Le projet Avotaynu a pour objectif d’étudier les origines et les migrations du peuple juif à travers les âges en s’aidant de l’ADN. Il est dirigé par une équipe multidisciplinaire, principalement universitaire, constituée de scientifiques, de généalogistes et d’historiens. Au cours des trois dernières années, de nombreux tests ADN ont été réalisés chez des volontaires, membres de communautés juives des six continents. Ce projet a été établi1, dès le départ, sur des principes directeurs.
Principe 1. Nous nous concentrons sur des objectifs concrets.
Les tests d’ADN aujourd’hui disponibles fournissent des informations sur les 23 chromosomes non sexuels — qui permettent d’identifier les cousins génétiques —, sur l’ADN mitochondrial, transmis de la mère à ses enfant, par la lignée strictement maternelle, et sur le chromosome Y transmis du père à ses fils, par la lignée strictement paternelle. Dans ce projet, nous avons décidé de nous concentrer sur le chromosome Y (ou ADN-Y), notre objectif principal étant de développer un catalogue exhaustif de l’ensemble des chromosomes Y des hommes juifs de par le monde.
Dans notre catalogue, nous incluons tous les chromosomes Y d’hommes juifs, indépendamment de l’origine de leurs ancêtres masculins, qu’ils aient vécu à l’époque biblique ou à d’autres périodes pendant lesquelles le judaïsme acceptait des hommes extérieurs à la communauté. Sur la base de l’ADN-Y, nous avons pu ainsi identifier 518 chromosomes Y différents dans la population masculine juive d’aujourd’hui. Ce nombre continue d’augmenter avec le nombre de tests réalisés dans de nouvelles communautés juives à travers le monde.
Habituellement, les résultats des tests d’ADN sur le chromosomes Y utilisent la nomenclature adoptée par la Société internationale de généalogie (ISOGG), qui attribue des haplogroupes tels que J-M172 ou R-M269 en fonction de certains marqueurs identifiés sur l’ADN-Y. Malheureusement, ces haplogroupes se basent sur des mutations qui se sont produites bien avant l’avènement du judaïsme et sont donc insuffisantes pour identifier des chromosomes Y transmis par les hommes qui ont fondé le peuple juif et qui sont arrivés au judaïsme après la période biblique. La technologie de tests ADN de nouvelle génération (Next Generation Sequencing2) a, en seulement quatre ans, permis d’identifier plus de 100 000 nouvelles mutations sur le chromosome Y, permettant des descriptions plus spécifiques des haplogroupes Y. Par ailleurs, de nouvelles mutations continuent d’être découvertes quotidiennement. Cela conduit à constamment réviser les descriptions des haplogroupes d’ADN-Y. Malheureusement, le manque de coordination entre les laboratoires qui effectuent ces tests multiplie le nombre de variantes d’ADN-Y découvertes qui, souvent, décrivent la même mutation.
L’utilisation d’outils statistiques mis au point spécifiquement pour l’analyse de l’ADN-Y par le biométricien de notre projet, Wim Penninx, nous a permis de développer une classification simple et claire. Chaque participant au projet est affecté à une de nos lignées de chromosomes Y déjà identifiées. Si un nouveau participant possède un chromosome Y suffisamment différent de ceux déjà répertoriés dans notre catalogue, cela indique qu’il provient d’un ancêtre/fondateur juif distinct et nous attribuons à cette nouvelle lignée un nouveau numéro de série Avotaynu. En 2016, la première lignée non encore répertoriée a été nommée la lignée AB-001. Nous en sommes aujourd’hui à la lignée AB-518, ce qui suggère qu’au moins 518 ancêtres hommes distincts du peuple juif actuel ont été jusque-là identifiés.
Dans l’ensemble, les 518 lignées juives que nous avons retrouvées sont d’origine moyen-orientale. Un exemple caractéristique d’une lignée que nous avons identifiée est la lignée AB-033. Elle descend de la lignée J-Z640, selon la classification ISOGG, une ancienne lignée d’ADN-Y de l’âge de bronze (donc pré-juive). L’historien et archéologue de notre projet, Michael Waas, et son équipe étudient ce chromosome Y depuis plusieurs années. Il s’est rapidement développé à la fin de l’âge de bronze, engendrant des sous-lignées que l’on retrouve aujourd’hui au Proche-Orient, dans le Caucase, en Amérique du Sud et parmi les populations ashkénazes et séfarades. Cette étude a permis d’établir la migration des populations juives et non juives de la Méditerranée au cours des 3000 dernières années et d’évaluer leur croissance numérique.
De nouvelles lignées juives sont découvertes presque chaque semaine. Ainsi, une lignée plus récente, AB-218, concerne une dynastie rabbinique d’Alep, en Syrie. Elle a été retrouvée chez deux hommes. Le premier vit aujourd’hui au Guatemala, est de traditions familiales crypto-juives. Le second est issu d’une famille séfarade qui a été active au moment de la Révolution américaine. Une autre des nombreuses lignées de chromosomes Y que nous avons identifiées, l’AB-181, correspond aux descendants d’un célèbre rabbin séfarade installé il y a des siècles en Libye, à celle d’un chrétien de Guadalajara, au Mexique, et d’un homme issu d’une famille néerlandaise arrivée à New York pendant la colonisation. Ce dernier porte le nom de Van Zandt, nom que nos historiens pensent être une traduction approximative de «de Santander», une ville d’Espagne qui avait jadis une large communauté juive.
Ce ne sont là que quelques exemples des nombreuses lignées de chromosomes Y fascinantes sur lesquelles notre équipe travaille. Sur les 518 lignées chromosomiques Y juives identifiées à ce jour, il semble que moins de 100 lignées sont retrouvées chez les ashkénazes. Toutes les autres, 418, proviennent exclusivement d’hommes juifs non ashkénazes que nous avons testés à travers le monde.
Principe 2. Nous collaborons avec des experts universitaires selon le code éthique international du Comité d’Helsinski.
Le milieu de la généalogie n’est malheureusement pas à l’abri de pratiques éthiquement discutables. Pour nous prémunir contre cet écueil, nous avons, dès le début de l’étude, inclus des partenaires universitaires et avons adopté les pratiques éthiques rigoureuses de leurs institutions. Nous respectons les normes éthiques internationales et tous les universitaires qui s’engagent dans notre projet ne le feront qu’avec l’approbation du conseil d’examen institutionnel (CISR) du Comité d’Helsinki de leur propre institution. Les exigences principales pour l’approbation d’une CISR sont le consentement éclairé et l’anonymat des échantillons d’ADN.
Non seulement nos partenaires universitaires sont des garants éthiques, mais de plus ils contribuent grandement à la rigueur de notre analyse historique et bio-statistique. Notre équipe évalue minutieusement la généalogie de tous les participants potentiels à l’étude, et compare systématiquement leurs résultats ADN à ceux de notre base de donnée.
Toute nouvelle lignée n’est ajoutée à notre catalogue qu’après avoir identifié des correspondances ADN avec des membres connus de la communauté juive ou qu’après avoir apporté la preuve que l’échantillon ADN provient d’un membre d’une communauté juive reconnue. Notre objectif étant de décrire avec précision la variation de l’ADN-Y du peuple juif, nous devons nous assurer que les individus que nous testons et qui participent à cette étude ont une ascendance juive réelle.
Nous avons adopté ces principes fondamentaux et notre projet a obtenu l’approbation de la CISR du Technion, de l’Université de Haïfa, du Winthrop Hospital de l’Université de New York et de l’Université du Colorado.
Principe 3. Nous nous concentrons sur des communautés spécifiques et avons impliqué des historiens, des généalogistes et des leaders communautaires dans l’effort de recrutement.
Dès le début du projet, nous avons constaté que les communautés juives non ashkénazes était largement sous-représentées dans l’ensemble des bases de données répertoriant les chromosomes Y. Pour identifier et recruter nous-mêmes les participants, nous avons développé une stratégie à trois volets:
- Collaborer avec des historiens pour utiliser des sources primaires, comme les cimetières et les actes d’état civil, et compiler une liste de noms de famille historiquement importants de chaque communauté,
- Travailler avec des généalogistes juifs ayant une expertise dans chaque communauté afin d’identifier des leaders communautaires susceptibles de contribuer au projet,
- Faire appel aux dirigeants communautaires pour recruter les personnes à tester.
Des participants enthousiastes se sont portés volontaires pour nous assister dans ces étapes clés. Ainsi, Hazzan Ike Azose a permis de tester plusieurs dizaines de juifs grecs et turcs lors de la conférence de l’Association internationale des sociétés généalogiques juives (IAJGS) à Seattle en 2016. De même, Sandra de Marchena a contribué à tester des garçons avec lesquels elle a grandi à Curaçao. Enfin, un clinicien d’origine Bukhari s’est proposé de tester sa communauté. Bâtir patiemment des relations avec les généalogistes et les dirigeants de chaque communauté est sans aucun doute aujourd’hui la clé de notre succès dans le recrutement de participants.
Nous nous sommes initialement concentrés sur la Méditerranée orientale. Les populations non ashkénazes testées sont les suivantes :
- Méditerranée orientale (Turquie, Grèce, Macédoine, Bulgarie, Croatie) : 194 participants
- Mizrahim (irakien, persan, afghan, Kurdes / Nash-Didan) : 85 participants
- Sépharades occidentaux (Caraïbes, Amérique du Nord, Londres, Amsterdam) : 84 participants
- Italie : 81 participants
- Levant (Syrie, Liban et Égypte) : 71 participants
- Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye) : 79 participants
- Caucase (Daghestan, Azerbaïdjan) : 25 participants
- Boukhari (Ouzbékistan) : 20 participants
Principe 4. Nous aidons nos participants à analyser leurs résultats
Les chefs de projet d’Avotaynu sont accessibles et disponible pour aider les participants à comprendre et interpréter les résultats de leurs tests ADN-Y. Grâce à notre base de données qui comporte plusieurs milliers de participants juifs, ils peuvent rapidement identifier les lignées juives et distinguer l’origine ashkénaze et non ashkénaze du chromosome Y.
La base de données d’Avotaynu s’enrichit quotidiennement de participants du monde entier. De nombreux généalogistes, scientifiques et universitaires continuent de se joindre à nous. Nous travaillons activement à l’identification de communautés sous-testées et au recrutement de participants.
Si vous voulez en savoir plus, visitez notre site www.AvotaynuOnline.com. Si vous souhaitez participer au projet ou pour toute question, vous pouvez contacter Adam Brown of the Avotaynu Research Partnership LLC (AdamBrown@AvotaynuDNA.org). Vous pouvez également vous inscrire sur notre portail web (www.JewishDNA.org). Si vous avez déjà été testé pour le chromosome Y sur FamilyTree DNA, il vous faudra indiquer votre numéro de kit.
Références bibliographiques
1. Brown, Adam, “Announcing the Avotaynu DNA Project, AVOTAYNU Vol. XXXI, Fall 2015 and “Avotaynu DNA Project Advances to the Second Phase, AVOTAYNU Vol. XXXII, Fall 2016.
2. https://en.wikipedia.org/wiki/DNA_sequencing#High-
throughput_methods, vendu commercialement par FamilyTreeDNA sous le nom de «BigY»
3. https://isogg.org/wiki/Y-DNA_tools